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Le blog de Guy.
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31 octobre 2008

Le blog de Guy.







à KRISTEL   de Guy Jurado

 

 

 

                         
     Les personnages et les évènements qui y sont relatés

sont de pure fiction. (sauf la boulangère et le chauffeur du car) L’auteur

a tenté de respecter l’authenticité des autres composants du récit.

 

 

 

24 juillet 1956,  7 heures 30 …

       Les deux ânes trottinent allègrement malgré la pente et les deux bonbonnes de verre vides enrobées de fines lames de roseau tressées, que chacun transporte dans ses couffins d’alfa battant sur les flancs des deux animaux dociles ce jour-là. Kader marche d’un pas assuré derrière eux, songeur, la tête enturbannée et protégée des ardeurs du soleil par un chapeau tressé de paille et de fils de laine colorés, dru et à larges bords, tout racorni par les années, la sueur et les rayons du soleil d’Algérie. Chaque matin, réglé comme une horloge suisse, il accomplit ce parcours qui lui est si familier maintenant. Kader ben Amar, pêcheur de son état, est inquiet en pensant à sa barque presque aussi âgée que lui, échouée en piteux état sur la plage de Sidi Moussa. Hier, une vague sournoise l’a surpris et « ma rascasse » a été drossée sur le rocher allongé affleurant l’eau près du rivage de la crique, alors qu’il rentrait d’une pêche fructueuse au large de la Pointe de l’Aiguille. Les savonnettes, poissons aux teintes mordorées, roses, irisées et changeantes, à la peau soyeuse et glissante comme celle d’une sirène, se sont bien vendues au restaurant chez Faudry, réputé dans toute la région pour ses mets délicats et ses recettes raffinées. Perché, penché presque au raz de la falaise surplombant la crique Tamda, il y règne une atmosphère particulière entretenue par le bruit des fourchettes, la faconde du patron, ponctuée par son tablier blanc mettant en relief son estomac généreux et les cris de joie des yaouleds plongeant du rocher carré situé au-dessous pour aller, certains jours, cueillir avant qu’elles ne touchent le fond, les piécettes lancées par des clients amusés et admiratifs, attablés près des auvents de bois.

 

     Kader cultive aussi, sur un minuscule lopin de terre entouré de roseaux, des tomates, des poivrons et autres primeurs attendus avec impatience chaque samedi sur le marché du village de Saint-Cloud, situé à l’intérieur des terres à 10 km de là. sur l’axe routier Oran-Arzew. Le petit port de pécheurs de Kristel est constitué de deux criques à l’abri des vents d’est, cernées de jardins potagers. Il s’épanouit au pied de la montagne des Lions. Il a vu naître Kader qui a participé à l’éprouvante et si cruciale campagne d’Italie et qui a retrouvé sa terre natale, son « bled » charmant qu’il n’échangerait pour nul autre dans cette Oranie dont il est fier, creuset où vivent encore en bonne intelligence malgré les évènements, arabes, juifs et européens d’origine espagnole, italienne et bien sûr métropolitaine depuis 1830, pour les européens, jusqu’à nos jours. Revenir ici, à la fin de cette terrible épreuve, avec pour apothéose de l’horreur, Monte Cassino, a été pour lui et les siens, la fin d’un cauchemar qui lui a fait don d’un nouveau regard sur les activités paisibles de sa deuxième existence. Son père et les parents de son père sont aussi nés ici à Kristel. Lui, arbore avec fierté le mince ruban de la Médaille Militaire attribuée le 5 juin 1944 pour sa bravoure à Monte Cassino et celui de la médaille commémorative de la campagne d’Italie.

 

    La route en lacets monte vers la source d’où jaillit en ce lieu si aride, une eau fraîche et bruissante que viennent régulièrement recueillir  les voyageurs de passage tant sa fraîcheur et son goût sont appréciés. L’autre source, celle du village, est destinée à l’arrosage des jardins potagers mais les piaillements incessants des femmes font préférer à Kader, celle au flan de la montagne bordant la route montant vers St Cloud. Redescendre l’eau vers sa maison de pierres scellées d’argile est moins fatiguant pour ses deux ânes devenus pour lui des compagnons ayant droit à son affection… Kader est inquiet pour son embarcation mais heureux aussi des bienfaits qu’Allah lui prodigue. Ses deux femmes ne lui causent aucun souci et lui ont donné six beaux enfants dont les trois derniers, Rachida, Mouloud et Karim, à qui Fatima a donné le jour, fréquentent encore la petite école primaire à un étage de Kristel, repeinte régulièrement à la chaux teintée de jaune pâle. L’école avec sa rumeur de classes laborieuses, domine une cascade de petites maisons cubiques de pierres sèches ou aux enduits de couleurs pastel, si agréables pour l’œil sur fond des bleus changeants de la mer et du ciel et de la baie offerte jusqu’au Cap Falcon à gauche et jusqu’à la Pointe de l’Aiguille à droite. Ses deux aînées, Larissa et Aïcha occupent chacune un emploi respectable et rémunéré correctement l’une chez un colon de Saint-Cloud, l’autre au bureau de poste d’Arzew. Ali ne sera  pas un modeste pêcheur, peut-être, inch allah, un maître d’école comme le jeune métropolitain célibataire logé à l’école, timide et dévoué, si apprécié des parents, de Monsieur l’Inspecteur Primaire et des enfants et qui rougit chaque fois que des gamines effrontées font mine de vouloir le séduire ! Ali est élève en 1° moderne au Lycée Ardaillon d’Oran. Chaque lundi avant le lever du jour, il emprunte le car de Francisco qui le mène à Oran pour rejoindre son internat avant la reprise des cours. Oui, Kader est un homme comblé et tout à l’heure, après avoir déchargé la cargaison d’eau, ses épouses rempliront les gargoulettes, les seaux et les bassines de fer blanc et iront déposer un bidon du précieux liquide sur le seuil de la mechta de la vieille Leila devenue quasiment aveugle. Il donnera à manger et parlera à ses deux ânes et ce soir, honorera, cette fois, sa première épouse Khadija devenue si sensuelle, qui attend chaque jour son retour et qui lui a fait promettre ce matin que c’est elle qu’il rejoindrait quand les enfants dormiront. Khadija a tout appris à celle, de dix ans sa cadette qui est arrivée dans la minuscule maison à l’âge de quinze ans, six ans après elle. Fatima et elle se partagent avec sérénité et une intime complicité ce mari qui les traite avec douceur, si différemment de la façon dont leurs pères ont traité leurs mères respectives. A Kristel, les hommes ont la réputation d’être généreux, loyaux et travailleurs. Kader, au contact des français et de tous ses frères d’armes avec qui il a partagé bien des souffrances, est revenu bien changé de cette guerre qui aurait pu le coucher à jamais dans la boue d’Italie ou sur le sol décharné labouré par les bombes, comme tant d’autres frères d’Algérie ou de métropole, marocains, tunisiens et africains de diverses colonies, morts pour cette France à la fois reconnaissante et ingrate pour ses fils d’outremer. Kader est respecté de tous les hommes du village, pécheurs ou maraîchers. Seul Moussa, un berger taciturne entraînant chaque jour ses moutons et ses chèvres depuis les contreforts de l’ancienne mine de fer désaffectée jusqu’aux hauteurs d’Aïn Franin, en parcourant les traces dans le djebel, au-dessus des plus hauts lopins de terre cultivés et clôturés de haies de roseaux, lui jette quand il le croise, des regards sournois et en crachant avec mépris au sol, lui a dit un jour :

 

               « Kader, tu es un roumi plus qu’un arabe et tes frères te le feront payer un jour. » Kader, qui pense que ce jeune homme est un peu maboul, lui a répondu aimablement qu’il se trompait et a poursuivi sa route vers sa parcelle de terre pour y arroser avant la nuit ses pieds de tomates et de haricots verts. Hassan a craché à nouveau en lançant un caillou du chemin dans la direction du vieux bouc chargé de ramener les égarés vers le  troupeau et qui s’attardait sur une pousse d’arbousier. Personne ne se soucie de lui et pourtant, certains dimanches, il se rend à Oran en passant par Arcole et rencontre dans un bouge innommable de Petit Lac, bidonville d’Oran, un grand arabe fanatique, hautain et osseux qui se prétend missionné par une personnalité importante venue d’Egypte et vivant à Tunis, pour recruter et former des hommes sans peur désireux, d’après ses dires, de mériter le paradis….

 

 

                                                °°°°°°

24 juillet 1956,  5 heures 45 …

Tony, Emilio, Lucien, David et Ali le fils de Kader, s’étaient promis solennelle ment de passer une journée entière ensemble à la plage de Kristel pendant les grandes vacances. Ce sera le mardi 24 juillet ….c’est à la fois la fête et l’anniversaire de Christine qui passe l’été à Kristel et elle plait tant à Emilio ! La jeune fille de Kléber est interne au Lycée Stéphane Gsell d’Oran, et il la voit souvent lors des promenades surveillées des internes le jeudi après-midi à la promenade de Létang ! Les cinq larrons, internes eux aussi à Oran aux Lycées Lamoricière et Ardaillon et amis d’enfance, ont appris à nager ensemble et les premiers émois amoureux, les fou-rires et concours de vitesse à la nage jusqu’au rocher plat ou à l’aplomb du bateau coulé face à la crique, les longues soirées à la belle étoile sur le sable encore tiède, les ont marqués à jamais. Que de plaisir de pratiquer pour la galerie le saut de l’ange ou de la carpe depuis le rocher carré et plus tard de sauter sans peur de la falaise du « Nid de Pierrots » ! Ils forment une équipe soudée composée d’adolescents bravant quelques remarques acides d’adultes bien-pensants de tous bords. Hier après-midi, ils ont établi la liste des affaires à emporter lors d’une réunion tenue au jardin public de Saint-Cloud, assis autour du bassin rond surmonté d’un « mankenpiss » de bronze, …Ne pas oublier maillots, masques et tubas, la corbeille à légumes avec sa chambre à air pour les oursins, les cabacets à attacher sur les porte-bagages des vélos, avec du pain et des mantecaos de chez Annette, la frita au lapin préparée par Maria la mère d’Emilio tôt avant le départ prévu à 6h30 et un couscous spécial pique-nique concocté par Aïcha la sœur d’Ali et qui habite à St Cloud à la ferme Montréal. Lucien s’est présenté avec du raisin muscat de sa treille, un riz au lait à la cannelle de sa grand-mère et du nougat dur d’Espagne. Des briques à l’œuf préparées par Rachel, la mère de David et saucisson sec, soubressade et longanisse achetés par Incarnation, la mère de Tony, sont venus compléter cet assortiment de mets à l’image de la bande de copains. Tomates et figues noires ou vertes et de barbarie seront achetées à Kristel. Un peu d’eau fraîche parfumée à l’antésite ou à la poudre de coco de Calabre pour la première partie du trajet, les gourdes, deux ou trois pour chacun, seront remplies à l’une, deux ou aux trois sources de Kristel à l’aller et au retour  Ce matin, ils se sont levés à cinq heures… les cannes à pêche, un peu de sulfate de cuivre interdit, pour faire émerger les vers de rochers servant d’appâts, le brometche, bouillasse infâme préparée depuis des semaines dans un pot bien fermé, à base de vieux fromages et de sardines pourrissants, à l’odeur repoussante mais indispensable pour attirer le poisson sur la zône de pêche, les démonte-pneus, rustines et dissolution en cas de crevaisons sur la dure route de Kristel. Les vélos sont prêts, pneus bien gonflés, pompe sur le cadre, antiques pour la plupart mais vaillants compagnons de jeunes gens qui affronteront une route escarpée sur les cinq derniers kilomètres, très dangereuse en descente par sa dénivellation, une vieille carcasse rouillée d’automobile des années 40 rappelant aux voyageurs l’accident terrible qui décima une famille en ce lieu, route source de souffrance lors du retour des cyclstes vigoureux, téméraires ou présomptueux. Rares sont ceux, amateurs, capables de remonter cette cote interminable sans mettre pied à terre pour continuer en poussant un vélo devenu de plomb! Aussi, Tony, Ali, David, Lucien et Emilio, fanfaronnent-ils déjà, en se vantant, chacun, d’atteindre le sommet sans défaillance !

 

           Les voilà partis, pédalant doucement car la route monte dès le départ. L’odeur des pins et le chant des cigales de la forêt de La Source qu’ils longent les enchantent et leur rappellent les sorties en famille et les escapades sous les eucalyptus du réservoir d’eau alimentant la bourgade et la chasse aux moineaux, au stack dans les oliviers qui bordent l’oued le plus souvent à sec. Le soleil commence à annoncer ses futures ardeurs. la journée sera belle et les kilomètres se déroulent au rythme des mollets qui se tétanisent. A droite, la route de terre vers la ferme Tazdout et l’ex-four à chaux, s’enfonçant au milieu de lentisques, chênes-verts, palmiers-nains et autres arbousiers. Ce serait un superbe raccourci que ce chemin caillouteux surnommé « un ratico a pie y el otro caminando"qui mène à la ferme. Un jour, Kader avait dit qu’il rêvait de dévaler les pentes abruptes vers la majestueuse plage Santa et son auberge de Jeunesse qui abrite de temps à autre de rares initiés amoureux de ce coin sauvage aux rochers plats nids d’arapèdes et de bigorneaux! La falaise et l’à-pic des pentes ne permettent même pas d’espérer s’y essayer ! Dommage car la plongée vers le village surmonté de son marabout serait superbement excitante !! Le dernier dos d’âne franchi, le panorama de majesté et de beauté qui se présente est à couper le souffle. Tous les cinq ont promis à leurs parents la plus grande prudence pour négocier cette descente en lacets taillés dans une roche aux couleurs mêlées où l’ocre se marie avec toutes les nuances de la palette nature …

 

 

                                        °°°°°°

 

24 juillet 1956,  8 heures…

La vieille camionnette grise 203 Peugeot couverte de boue séchée, à l’échappement bruyant et au moteur fumant mais encore vigoureux, parcourt à vitesse mesurée la route partant du faubourg Gambetta d’Oran vers Kristel en passant par Canastel et AÏn-Franïn. Elle croise de temps à autre une 4CV, une Vespa ou une aronde de petit colon se rendant à la plage ou à la pêche et double difficilement par manque de visibilité, quelques carrioles et des ânes chargés de ballots, dans les virages qui se succèdent. Le conducteur semble éviter d’entreprendre des dépassements de véhicules automobiles sur cette route bordée de genêts se découpant sur le bleu aujourd’hui du plus pur outremer, de la Méditerranée piquetée de moutons d’écume immaculée, omniprésente à perte de vue en contrebas. Pourtant la beauté sublime de la baie d’Oran n’intéresse pas les deux hommes. Au volant, le grand osseux qui se fait appeler Tahïeb. A son coté, Moussa recroquevillé sur le siège, emmitouflé comme le conducteur dans une djellaba qui leur remonte jusqu’aux yeux. Ils sont tendus, aux aguets, soucieux de passer inaperçus dans ce véhicule pourtant si commun et aux plaques d’immatriculation illisibles tant la boue séchée les souille. Sous le siège- banquette élimé au skai déchiré formant des verrues de kapok, dans un haillon crasseux maculé de graisse, un pistolet mitrailleur MAT 49, avec son chargeur engagé contenant 22 cartouches de 9mm et sa culasse armée … les gendarmes de St Cloud sont devenus plus zélés depuis le 1° novembre 1954, date de l’embuscade dans les Aurès qui a déclenché les évènements mais l’Oranie est calme et la région de Kristel si tranquille. Alors, les deux complices croient en leur barraka ! Mektoub ! Il y a bien longtemps que Moussa a gravé dans sa mémoire, les moindres habitudes de Kader.

« Beni kelb, le chaouch des français facilite le travail avec ses habitudes de militaire !» 

Il a fallu longuement préparer le piège pour arriver à sa hauteur dans le troisième virage avant d’arriver à la source en remontant la cote, là où la visibilité depuis les lacets de la route est nulle. Un sentier proche s’enfonçant dans une faille de la roche permettra d’y planquer le PM après la rafale, … un endroit tellement rocailleux et si sûr !

« L’élimination de ce salaud de Kader sera un avertissement pour tous ceux qui aiment les français ! ». Vingt secondes suffiront, une courte giclée de balles dans le ventre et vite, le sourire kabyle pour le traître et ses deux bourricots, pour le village et les journaux des roumis…

Hassan regarde souvent sa montre... tout va bien.

« prépare la MAT, souffle Tahïeb !» on arrive … aujourd’hui et à cette heure-ci, peu de circulation… pas de bruit de moteur, c’est bon pour nous. D’ici, on peut voir la route, à part dans ce morceau de virage, là-bas mais une auto ne peut pas s’arrêter à cet endroit.

 

 

                                     °°°°°°

 

24 juillet 1956,  7 heures 50…

La descente des cinq cyclistes se passe bien, chaque virage est négocié en pros et les semelles de corde des espadrilles s’appuyant sur les pneus viennent fréquemment épauler les patins des freins ! Le soleil darde ses rayons sur les crânes et les épaules courbées. La soif dessèche les palais, la sueur pique les yeux malgré le vent de la vitesse. Emilio crie à ses compagnons : « On s’arrête pour boire, d’accord ? là-bas dans le fossé au creux du prochain virage à gauche, du coté montagne » Personne n’osait le demander aussi la vitesse décroît puis ils mettent pied à terre…

Les gourdes d’aluminium sortent de leurs étuis de toile kaki et chacun boit longuement à la régalade. Emilio a sorti une bota qui suscite chaque fois les quolibets

« como te parece tu vino rosado, caracol borracho ? » mais il n’en n’a cure et sa gorge déglutit comme un ressac sans qu’une goutte d’eau fraîche du jet courbe sous pression ne coule sur son visage, son cou ou son torse bronzé luisant de sueur !

Après un quart d’heure, le signal du départ est donné et la file indienne se reforme…en sortant du virage, Ali pousse un cri de joie

« regardez ! là, c’est mon père avec ses bourricots ! »

 

 

 

                                           °°°°°°

 

 

 

 

 

24 juillet 1956,  8 heures 08…

 

 

Tout se passe si vite que Kader, Tony, Emilio, Lucien, David et Ali, semblent assister à la projection d’un film surexposé projeté au ralenti ... Personne n’a vu ni entendu arriver le camion, moteur coupé, lancé dans une course folle… le chauffeur, bouche ouverte dans un cri muet, hurle à l’attention des enfants et de Kader… pour tenter d’éviter le groupe, il fait rugir ses pneus en braquant brutalement à gauche vers le ravin … le bruit du moteur de la camionnette proche qui monte est à peine audible quand elle apparaît face au nez du vieux GMC américain datant de la dernière guerre et chargé de trois grands fûts d’essence … derrière le pare-brise, deux djellabas s’envolent et les yeux exorbités font pendant au rictus du chauffeur du poids lourd …. Le choc est assourdissant, d’une violence inouïe, des fragments de la 203 volent dans la direction du groupe qui reste hébété… David réagit en plongeant vers le fossé….Kader a compris en une fraction de seconde et plaque au sol, avec brutalité mais efficacité, les garçons heureusement regroupés. Du ventre ouvert d’un âne resté immobile sur ses pattes, sont en train de s’écouler sur le macadam chaud, des entrailles à l’odeur âcre…

Le GMC disparaît dans le ravin derrière la 203 qui glisse puis rebondit sur la pente…le crépitement d’une longue rafale d’arme automatique couvre pendant un court instant les plaintes des tôles broyées et de la mécanique tyrannisée …bien plus bas dans le ravin, une longue flamme fuse, précédant l’explosion énorme qui embrase les deux véhicules et envoie vers le ciel une gerbe de cailloux, de roches et de tôles fumantes… Kader a compris en reconnaissant Moussa, que la rafale lui était destinée et l’épouvante lui glace le sang en réalisant que son fils et ses amis y auraient aussi eu droit !

Ce matin, une page sombre de l’histoire de Kristel, de Kader et du groupe d’amis vient de s’écrire.

 

 

 

                                                                                                         Capesterre 19 Janvier 2008

 

 

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